La durée de vie d'une autorisation d'urbanisme n'est pas un long fleuve tranquille

ven 26/07/2024 - 11:00

Si à 1ère vue la question peut paraître simple les confusions à ce sujet restent nombreuses.

 

Si tout le monde s’accorde à dire qu’en application de l’article R.424-17 du code de l’urbanisme, le délai de validité d’un permis de construire, d’aménager, de démolir ou encore d’une déclaration préalable est de 3 ans, le contentieux qui entoure cette question demeure très présent.

 

Que ce soit sur le calcul de cette durée ou sur la notion d’interruption de travaux pendant une période supérieure à une année, l’administration doit rester particulièrement vigilante afin d’éviter les faux pas.  

 

Nous allons répondre aux questions les plus fréquentes qui peuvent entourer la durée de vie d’une autorisation d’urbanisme.

 

En revanche ne seront pas traités ici le cas des certificats d’urbanisme ainsi que des prorogations des autorisations d’urbanisme.

 

Par définition, une autorisation d’urbanisme se périme donc si les travaux n’ont pas débuté dans le délai de 3 ans suivant sa notification d’une part. D’autre part, si les travaux ont commencé dans ce délai mais que ces derniers sont interrompus pendant plus d’un an alors l’autorisation devient également caduque.

 

  • Quel est le point de départ du délai de validité ?

 

On pourrait penser a priori que ce délai commence à courir à la date de signature de l’arrêté. Toutefois, comme les délais de complétude qui ne démarrent qu’à la date de notification, le délai de validité débute lui aussi à la date de 1ère présentation du courrier en recommandé ou le lendemain de la date d’envoi de la notification par voie électronique.

 

Attention, l’absence de notification ne fait pas courir le délai sauf si le pétitionnaire ne peut légitimement pas invoquer son ignorance.

 

C’est le cas par exemple s’il a déjà fait une demande de prorogation de son autorisation.

 

En cas d’autorisation tacitement accordée, le point de départ du délai correspond à la date à laquelle le pétitionnaire peut se prévaloir de l’autorisation tacite.

 

Si cette règle concerne le cas général, le code de l’urbanisme prévoit également des exceptions listées aux articles R.424-19 et R.424-20.  

 

Nous verrons également une 3ème hypothèse traduisant le pragmatisme jurisprudentiel.

 

1ère hypothèse : Le départ différé

 

Les travaux ne peuvent pas être entrepris avant l’obtention d’une autorisation ou la réalisation d’une procédure prévue par une autre législation.

 

Dans ce cas le délai commence à partir de la date à laquelle les travaux peuvent commencer au titre de cette autre législation (si la date est postérieure à la notification de l’arrêté).

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A titre d’illustration, l’un des cas les plus fréquemment rencontré est celui dans lequel des fouilles archéologiques ont été prescrites par arrêté de diagnostic archéologique conformément au code du Patrimoine.

 

Dans cette situation, les travaux de construction ne pourront être entrepris avant l’achèvement des opérations constatées par le préfet. A cet effet, c’est à cette date que commencera à courir le délai de validité de l’autorisation d’urbanisme.

 

Nous pouvons également citer l’exemple des travaux réalisés en site inscrit.

 

En vertu des dispositions des articles R.425-30 du code de l’urbanisme et L.341-1 du code de l’environnement, les travaux ne peuvent débuter avant l’expiration d’un délai de 4 mois à compter du dépôt de la demande.

 

Ainsi, il apparaît essentiel de garder en tête que le délai de validité est en réalité différé, de façon très rationnelle pour nombre de dossiers à enjeux particuliers (loi sur l’eau, évaluation environnementale etc.)

 

2ème hypothèse : la suspension du délai de validité 

 

Il convient tout d’abord de rappeler que la suspension n’efface pas le délai déjà couru. Le délai est uniquement « mis en pause »  

 

Le dossier accordé fait l’objet d’un recours devant la juridiction administrative ou la juridiction civile en application de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme.

 

Dans ce cas, le délai de validité de 3 ans est suspendu jusqu’à ce qu’une décision juridictionnelle définitive soit rendue.

 

Le même principe s’applique si un recours est formé contre une décision prévue par une législation connexe qui impliquait un différé de la réalisation des travaux (hypothèse n°1)

 

Attention toutefois il demeure une particularité relevée par le Conseil d’Etat s’agissant d’un recours formé à l’encontre d’un refus de permis de construire modificatif (CE - 6e et 5e chambres réunies - 21 février 2018 - n° 402109).

 

Le juge a souligné que contrairement à un recours d’un tiers formé contre un accord de permis de construire modificatif, ce recours n’interrompu pas le délai de validité du permis initial.

 

D’ailleurs à ce sujet, il convient de rappeler que le permis modificatif n’a pas pour effet de faire repartir un nouveau délai non plus.

 

Peu important le nombre de modifications accordées, le délai de 3 ans d’appliquera toujours à partir de la notification de l’arrêté initial.

 

Aussi, l’administration doit rester particulièrement vigilante lors de l’instruction d’un transfert ou d’un permis modificatif en s’assurant que l’autorisation initiale est toujours en vigueur.

 

3ème hypothèse : L’interruption du délai de péremption du fait d’un tiers ou de l’administration

 

En l’état, la jurisprudence a de longue date, reconnu que certaines situations rencontrées par les pétitionnaires ne pouvaient leur permettre de commencer leurs travaux dans le délai imparti.

 

Le plus souvent, les points de blocages venaient d’ailleurs de l’administration.

 

Plusieurs arrêts du Conseil d’état sont venus reconnaître cette interruption comme celui en date du 4 avril 1981.

 

Dans cette affaire le 1er adjoint avait enjoint à deux reprises la société détentrice d’un permis de construire pour la construction d’un immeuble, de ne pas exécuter les travaux autorisés et d’arrêter ladite construction.

 

Ces courriers étaient accompagnés d’une menace de recours à la force publique.

 

Il a donc été reconnu que le pétitionnaire n’avait en quelque sorte de bonne foi, pas exécuté ses travaux en raison de l’attitude de l’administration et que donc le délai de caducité recommençait de plein droit à la fin de l’empêchement.

 

D’autres circonstances peuvent entraîner cette interruption comme un jugement judiciaire ou le retrait de l’autorisation.

 

Ici la particularité est qu’on parle d’interruption et non de suspension puisque le délai recommence véritablement à zéro.

 

  • Qu’entend-on par commencement de travaux ?

 

Pour répondre à cette question, le juge administratif dispose l’un large pouvoir d’appréciation.

 

Sont examinés les travaux en eux-mêmes mais également le contexte dans lequel ils sont réalisés.

 

D’une façon générale, les travaux de terrassement, fondations et dallage et autres travaux sont largement admis par la jurisprudence comme des commencements de travaux.

 

On pourrait donc légitimement penser que la réalisation de constructions entières démontrerait un commencement incontestable de travaux.

 

Toutefois, si la construction d’une maison dans un projet comportant de multiples constructions peut être considérée comme un commencement de travaux, cela n’a pas été le cas pour la construction d’une maison sur les 500 projetées de l’opération (CE, 2 déc. 1987, n° 56789).

 

Dans cette affaire particulièrement intéressante le constructeur réalisait une maison par an depuis son ouverture de chantier sur les 500 prévues.

 

En définitive, le juge avait souligné « qu'eu égard à la nature et à l'importance de l'opération immobilière autorisée, les travaux exécutés, qui ont eu pour objet, non la réalisation, même fractionnée, du programme d'ensemble, mais la construction successive de maisons individuelles dans le seul but de faire échec à la péremption du permis, ne sauraient être regardés comme une entreprise de construction de nature à interrompre le délai de péremption » Il est d’ailleurs à noter qu’ à l’époque le permis avait déjà fait l’objet de demandes de prorogation.

 

Il doit véritablement être opéré un examen minutieux puisqu’au-delà leur nature, les travaux doivent véritablement être remis en perspective par rapport au contexte dans lequel ils s’inscrivent.

 

A titre d’illustration voici quelques exemples jurisprudentiels de non-commencement de travaux.

 

Tribunal administratif de Rouen - 2ème Chambre - 18 janvier 2024 - n° 2200878

 

Contexte : construction neuve de 42 logements sur deux niveaux de sous-sol et réalisation de travaux sur le second bâtiment présent sur le terrain

 

Travaux effectués : sollicitation d'un branchement énergétique provisoire, la réalisation d'un constat des existants, la réalisation de sondages et de travaux de terrassement et la démolition d'un des deux bâtiments existants sur le terrain (ne relevant pas de la demande de permis de construire)

 

Conseil d'État, 10 / 9 ssr, 21 juin 2002, 211864

 

Contexte : les travaux listés ci-dessous ont été effectués quelques jours avant la péremption du permis de construire

 

Travaux effectués : travaux de terrassement, à l'exclusion de toute fondation ou dallage, défrichage des pieds de vigne et le débroussaillement de la totalité du terrain d'implantation de la construction

 

Cour administrative d'appel - Nantes - 24 novembre 2023 - 22NT03580

 

Contexte : un permis de construire est accordé pour la construction d’une maison individuelle de 164m². Les factures et documents fournis pendant la durée de validité ne constituent pas une exécution matérielle des travaux.

 

« Travaux » effectués : Achat d’une fosse septique, location de matériels de chantier, acompte pour le raccordement du terrain au réseau électrique, et téléphonique.

 

  • Comment considérer que les travaux ont été interrompus pendant plus d’un an ?

 

Dans la même logique que pour le commencement de travaux, l’autorisation d’urbanisme sera périmée en cas d’absence de travaux pendant plus d’un an (au-delà du délai de 3 ans) ou si ces travaux n’ont pas une importance significative.

 

Il en est de même si ces travaux ne sont pas directement et suffisamment liés à l’autorisation accordée.

 

N’ont par exemple pas été considérés comme d’une importance significative des travaux de terrassement ne présentant ni fondation ou dallage.

 

Si un permis de construire prévoyait par exemple la construction d’un immeuble mais que le projet n’était réalisable qu’à la condition de procéder préalablement à des démolitions (que celles-ci soient d’ailleurs soumises ou non à permis de démolir) alors ces travaux de démolition peuvent réellement constituer un commencement de travaux et l’absence de travaux de construction plus d’un an après ces démolitions constitue une interruption de travaux de nature à entraîner la caducité de l’autorisation.

 

Ici encore le juge administratif peut se fonder sur un faisceau d’indices pour admettre ou non l’interruption des travaux.  

 

Des factures, témoignages, photographies, actes authentiques sont autant de modes de preuve pouvant être admis. Leur force probante n’aura néanmoins pas la même valeur.

 

Si la péremption s’opère de plein droit sans que l’administration n’ait à adresser un acte particulier la constatant, un tiers peut tout à fait demander à l’autorité administrative de constater cette caducité. En revanche, comme l’a rappelé le tribunal administratif de Caen :

 

« Il incombe à celui qui sollicite de l’autorité administrative la constatation de la péremption d’un permis de construire qu’il estime établie la charge de rapporter la preuve d’une absence de travaux dans les délais qu’elles prévoient » (TA de CAEN, 4 mars 2020, n° 1900115)

 

Enfin, tout principe subissant des exceptions, il convient de noter que le délai d’un an est porté à deux années lorsque le permis de construire ou d'aménager ou la décision de non-opposition à déclaration préalable porte sur un projet visant à satisfaire aux obligations de l'article L. 111-19-1 auxquelles il est soumis (article R.424-17-1 CU)

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